Soutenance de thèse de Maïwenn HUMBEZI DESFEUX

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Lundi 27 octobre 2025, 14h
Adresse
Auditorium de l'ASNR

Maïwenn HUMBEZI DESFEUX soutient sa thèse le 27 octobre 2025, à l'auditorium de l'ASNR à Fontenay-aux-Roses. Sa thèse est intitulée « Contribution de la thermodiffusion au transfert d'analogues de radionucléides lors du transitoire thermique d'un stockage géologique en contexte argileux ».

Cette thèse s’inscrit dans le cadre des recherches menées par l’ASNR pour l’expertise du projet de stockage géologique  Cigéo de déchets radioactifs de haute activité (HA) et moyenne activité à vie longue (MAVL) dans la formation argileuse du Callovo-Oxfordien (COx) dans l’Est de la France. L’objectif est d’évaluer l’impact d’une fuite prématurée de radionucléides depuis des colis HA en pleine phase thermique coïncidant avec la phase d’exploitation de Cigéo, afin d’estimer le volume de roche affecté et d’anticiper une éventuelle récupération.

L’expérience in situ DIGIT, conduite dans le Laboratoire Souterrain de Tournemire (LRST) de l’ASNR, a reproduit les conditions d’une telle fuite. Une zone de test de 400 L d’eau, enrichie en traceurs analogues des radionucléides les plus mobiles (Cl, Br, I et ²H) à des concentrations jusqu’à 50 000 fois supérieures à celles de leau porale, a été maintenue constante à 70 °C pendant près de deux ans grâce à un système de chauffage. Les concentrations élevées visaient à rendre détectable la pénétration des traceurs, prédite à quelques centimètres en un an en régime isotherme.

L’essai s’est déroulé en cinq phases d’échantillonnage : une phase 0 dite de « condition initiales », suivie d’une phase de diffusion pure (5 mois), puis de 3 phases en période chauffée d’une durée de 1 an et 8 mois. Au total, 47 carottes ont été analysées, soit environ 170 échantillons, par quatre méthodes de diffusion (radiale, sortante, traversante et en phase vapeur) pour déterminer les concentrations en traceurs dans l’eau porale, leur teneur en eau et leurs paramètres de transport diffusifs.

Les résultats montrent une diminution des teneurs en traceurs avec la distance à la zone test, dans les directions parallèle et perpendiculaire à la stratification. L’anisotropie du milieu se traduit par des pénétrations plus importantes dans le plan parallèle. Le chauffage accélère la pénétration, notamment dans cette direction. L’évolution des teneurs en eau met en évidence l’extension progressive d’une zone endommagée ou perturbée, initialement confinée à quelques centimètres, jusqu’à environ 15 cm après chauffage, confirmant l’impact du gradient thermique sur la microstructure.

Des mesures pétrophysiques complémentaires montrent une porosité totale de 9,79 % et une distribution de tailles de pores majoritairement nanométriques (4-8 nm), corroborée par imagerie FIB-MEB et tomographie RX. Des tests hydrauliques in situ indiquent une très faible perméabilité intrinsèque (2,9·10⁻²¹ m² en roche saine, 2,9·10⁻²⁰m² en zone endommagée). Les propriétés thermiques mesurées par le GFZ et le CNRS-PROMES confirment une anisotropie avec une conductivité plus élevée dans le plan parallèle à la stratification. Enfin, l’IFPen a déterminé par RMN une énergie d’activation pour le deutérium (22,9 ± 1,7 kJ·mol⁻¹), indiquant un comportement de diffusion suivant une loi dArrhenius entre 15 et 70 °C.

Les données expérimentales ont permis de calibrer un modèle numérique 2D axisymétrique sous Comsol Multiphysics®. La loi de Fick corrigée par une loi d’Arrhenius reproduit le mieux la pénétration du deutérium et des anions. L’effet Soret, intégré à certains scénarios, ne caractérise la pénétration que pour les anions, et ce pour un coefficient de Soret de 0,1 K⁻¹, similaire à celui proposé dans la littérature pour le COx. Le calage des données expérimentales aux données simulées a permis de caractériser des zones endommagée et/ou perturbée évoluant au cours du temps.

Les profondeurs maximales de pénétration, à l’issue de deux ans d’essai (phase 4), atteignent 60 cm (r) et 40 cm (z) pour le ²H, et jusqu’à 60 cm (r) et 35 cm (z) pour les anions. Les simulations sur 150 ans, durée d’exploitation de Cigéo, montrent que la convection — modélisée par la loi de Darcy — aurait un rôle négligeable dans ce contexte, en raison de la faible perméabilité du Toarcien supérieur. Ce constat pourrait être différent pour d’autres formations argileuses plus perméables, où une contribution plus importante des processus convectifs est attendue.

En conclusion, l’essai DIGIT a permis de montrer que, pour le LRST, la diffusion, corrigée de l’effet de la température, est le mécanisme dominant du transfert des analogues de radionucléides dans le Toarcien supérieur. L’étude a aussi montré le rôle limité de la thermodiffusion incluant l’effet Soret et de la convection. L’essai a encore permis de mettre en évidence l’impact de la température sur le développement spatiotemporel d’une zone endommagée et/ou perturbée. Aussi, dans un autre contexte plus poreux, perméable et plus endommagé comme c’est le cas pour le Callovo-Oxfordien, il est probable que la contribution de l’effet Soret et de la convection ne puisse être négligée et que la température impacte encore plus la zone endommagée/perturbée, donc la pénétration des radionucléides.

Composition du jury

  • Mme Linda LUQUOT, présidente, DR2 CNRS, Univ. Montpellier

  • M. Manuel MARCOUX, directeur, Pr INP Toulouse, IMFT, Toulouse

  • M. Jean-Michel MATRAY, co-directeur, Dr, ASNR

  • M. Sébastien SAVOYE, rapporteur, HDR, CEA

  • M. Philippe COSENZA, rapporteur, HDR, Univ. Poitiers

  • Marc FLEURY, membre, HDR, IFPen

  • Mme Christelle MARLIN, membre, Pr Université Paris Saclay 

  • M. Guillaume POCHET, membre, FANC, M2, Belgique

  • M. Josselin GORNY, membre, Dr, ASNR