Bilan 2024 des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants en France

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11/09/2025

Une amélioration de la qualité des données et une surveillance désormais recentrée sur les seuls travailleurs faisant l’objet d’une surveillance dosimétrique individuelle.

© ASNR

L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) publie le bilan annuel 2024 de la surveillance des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants en France, une mission réglementaire confiée à l’ASNR conformément aux dispositions de l'article R. 4451-134 du Code du travail. Le rapport présente les résultats de la surveillance dosimétrique individuelle (SDI)1 des travailleurs, couvrant à la fois leur exposition externe et leur exposition interne. Il met en évidence la méthode d’élaboration du bilan, qui a évolué en 2024, tout en poursuivant l’analyse des niveaux d’exposition professionnelle, comme dans les rapports précédents.

Le bilan a été établi à partir des données de la surveillance dosimétrique individuelle (SDI) des travailleurs enregistrés dans le Système d’Information de la Surveillance de l’Exposition aux Rayonnements Ionisants (SISERI)2, pour l’exposition externe, et, pour la première fois, également pour l’exposition interne. Cette avancée majeure a été rendue possible grâce à la refonte du système SISERI, dont la nouvelle version a été mise en production en juin 2023. Cette refonte a permis d'améliorer considérablement la qualité et la fiabilité des données collectées, notamment pour l’exposition interne, grâce à une meilleure complétude des informations administratives et dosimétriques.

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Les principaux constats

Extrait de l'infographie des chiffres-clés du bilan 2024 des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants en France

248 814 travailleurs surveillés en 2024 dans le cadre des activités professionnelles utilisant des sources de rayonnements ionisants

Dès début 2024, la transmission à SISERI des résultats dosimétriques des travailleurs faisant l’objet uniquement d’une surveillance radiologique (SR) (anciennement appelé « travailleurs non classés ») a été arrêtée. Par conséquent, l’effectif suivi en 2024 comprend désormais uniquement les travailleurs faisant l’objet d’une SDI, conformément à la réglementation (article R.4451-64 et 66 du Code du travail). De ce fait, il n’est plus pertinent de comparer les effectifs totaux de 2024 avec ceux des années précédentes. En revanche, une comparaison reste possible avec les effectifs des travailleurs suivis les années précédentes au titre d’une SDI. Ainsi, l’effectif surveillé en 2024 est en diminution de 4 % par rapport à celui des travailleurs bénéficiant d’une SDI en 2023. Cette baisse s’explique notamment par le fait que la transmission des résultats dosimétriques dans SISERI par les organismes accrédités n'est pas encore complètement exhaustive. Parmi cet effectif, 224 630 travailleurs (90%) exercent dans des activités civiles et militaires du domaine nucléaire, de l’industrie, de la recherche, du médical, du dentaire et du vétérinaire et 24 184 travailleurs (10%) sont suivis pour une exposition à la radioactivité naturelle, principalement des personnels de l’aviation exposés aux rayonnements cosmiques. Comme les années précédentes, les domaines médical, dentaire et vétérinaire représentent la majorité des effectifs suivis (46 %), suivis par le domaine nucléaire (36 %).

Une exposition globalement stable par rapport à celle de l’année 2023

La dose efficace collective3 de l’ensemble des travailleurs faisant l’objet d’une SDI s’élève à 87,36 H.Sv en 2024, avec une prédominance nette de l’exposition externe, qui représente 99 % de cette valeur. Cette dose collective affiche une hausse d’environ 4 % par rapport à 2023 (84,23 H.Sv), en partie liée à l’augmentation de l’exposition des travailleurs du domaine nucléaire. 

Pour ce qui concerne les niveaux d’exposition individuelle, la très grande majorité des travailleurs suivis en 2024 a reçu une dose efficace annuelle4 inférieure à 1 mSv. Conformément à l’évaluation individuelle préalable tenant compte des expositions potentielles et des incidents raisonnablement prévisibles inhérents au poste de travail, un travailleur doit être classé5 (article R. 4451-57 du Code du travail) dès que la dose efficace susceptible d’être reçue sur douze mois consécutifs dépasse ce seuil, illustrant l’approche prudente retenue par les employeurs en matière de suivi individuel de l’exposition aux rayonnements ionisants. 

Moins de 1 % des travailleurs suivis en 2024 ont reçu une dose efficace supérieure à 6 mSv, seuil réglementaire définissant le classement d’un travailleur en catégorie A ou justifiant la mise en place d’une surveillance dosimétrique individuelle dans le cadre de l’exposition au radon provenant du sol.

A la date de rédaction du rapport, onze travailleurs ont été exposés à une dose efficace annuelle supérieure à la valeur limite d’exposition professionnelle de 20 mSv par an fixé par le Code du travail, contre six en 2023. Parmi ces cas de dépassement, huit concernent des travailleurs exposés au radon provenant du sol dans des environnements souterrains.

 

1. Les travailleurs faisant l’objet d’une surveillance dosimétrique individuelle (SDI) sont les travailleurs classés en catégorie A ou B au sens de l’article R. 4451-57, ceux exposés à une dose efficace liée au radon provenant du sol susceptible de dépasser 6 millisieverts (mSv), ainsi que ceux affectés au groupe 1 ou 2 d’intervenants en situation d’urgence radiologique (SUR). Pour ces derniers, l’employeur n’a pas d’obligation à mettre en place leur SDI tant qu’il n’y a pas d’intervention en SUR. Les travailleurs bénéficiant d’une SDI sont tous considérés comme « exposés » aux rayonnements ionisants (RI) artificielle ou naturels (tels que les personnels de l’aviation exposés aux rayonnements cosmiques) au sens de la réglementation. Ils font automatiquement l’objet d’un suivi individuel renforcé (SIR) par un médecin du travail et doivent suivre régulièrement des formations adaptées à leurs conditions de travail sous rayonnements ionisants.
2. Accessible à l’adresse https://siseri.irsn.fr/, et prochainement à l’adresse https://siseri.asnr.fr/.
3. La dose efficace collective d’un groupe de personnes est la somme des doses efficaces individuelles reçues par ces personnes. Par exemple, si 1 000 personnes reçoivent chacune une dose de 1 millisievert (mSv), la dose efficace collective atteint 1 000 Homme.mSv (H.mSv), soit 1 H.Sv.
4. La dose efficace reçue par un individu est la somme des doses reçues par le corps, provenant à la fois de l’exposition externe aux rayonnements ionisants et de l’exposition interne liée à l’incorporation de substances radioactives dans l’organisme, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée.
5. Un travailleur est classé :
- en catégorie A s’il est susceptible de recevoir, au cours de 12 mois consécutifs, une dose efficace supérieure à 6 mSv, ou une dose équivalente supérieure à 15 mSv pour le cristallin, ou une dose équivalente supérieure à 150 mSv pour la peau et les extrémités ;
- en catégorie B, tout autre travailleur susceptible de recevoir une dose efficace supérieure à 1 mSv, ou une dose équivalente supérieure à 50 mSv pour la peau et les extrémités.

Pour en savoir plus

L’ensemble des résultats détaillés du bilan 2024 des expositions professionnelles est disponible sur le site https://expro.asnr.fr. Cette version numérique permet également d’accéder aux cinq précédents bilans annuels publiés par l’IRSN.
Cette année, deux focus sont proposés pour mieux répondre aux questionnements sur des enjeux de la radioprotection. Le premier focus s’intéresse aux travailleurs impliqués dans le transport de matières radioactives, secteur où des cas de dépassement de la VLEP ont été observés ces dernières années. Le second focus s’intéresse aux pratiques interventionnelles radioguidées qui regroupent des actes diagnostiques ou thérapeutiques réalisés sous imagerie utilisant des rayonnements ionisants, et dont les travailleurs sont exposés de manière répétée, parfois prolongée, en raison de leur proximité avec le champ d’irradiation.

La surveillance dosimétrique individuelle des travailleurs du secteur du transport de substances radioactives en 2024 

Ce focus apporte un éclairage sur les niveaux d’exposition de ces travailleurs. Chaque année, près de 980 000 colis font l’objet d’opérations de transport sur le territoire national. Les expositions peuvent survenir à chaque étape du processus – préparation des colis, manutention, chargement, transport, déchargement – la proximité avec les colis radioactifs constituant la principale source d’exposition. En 2024, les données de la SDI issues de SISERI révèlent que la majorité des travailleurs a une exposition inférieure à 1 mSv, sans aucun dépassement de la valeur limite réglementaire de 20 mSv/an pour la dose efficace. Des disparités subsistent toutefois selon les domaines d’activité, avec des niveaux d’exposition plus élevés dans les domaines médical et industriel non nucléaire. Ces résultats soulignent la nécessité de maintenir une vigilance continue en matière de radioprotection, afin de garantir un environnement de travail sécurisé malgré la diversité des pratiques et des risques associés. 

La surveillance dosimétrique individuelle des travailleurs du secteur des pratiques interventionnelles radioguidées en 2024 (domaine médical)

Ce focus s'intéresse aux effectifs concernés dans ce secteur médical ainsi qu'à leurs niveaux d'exposition. En 2024, les données issues de SISERI indiquent que la quasi-totalité des travailleurs bénéficiant d’une SDI a reçu une dose efficace annuelle inférieure à 1 mSv. Le suivi dosimétrique spécifique du cristallin et des extrémités révèle des niveaux d’exposition variables selon les métiers mais restant faibles au regard des valeurs limites réglementaires. Les cardiologues, les radiologues et les manipulateurs en électroradiologie figurent parmi les professionnels les plus exposés. Ces résultats soulignent l’importance de la surveillance dosimétrique individuelle et des mesures de radioprotection pour encadrer efficacement les expositions dans un secteur en constante évolution.

Le suivi des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants

Le Code du travail (article R. 4451-134) confie à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) la mission de centraliser, à travers un registre, l’ensemble des données de la surveillance dosimétrique des travailleurs et d’établir un bilan annuel. Ce registre national, dénommé SISERI (Système d’Information de la Surveillance de l’Exposition aux Rayonnements Ionisants) contient l’ensemble des mesures individuelles de l’exposition des travailleurs et les informations administratives (domaine d’activité, métier, statut) qui s’y rapportent. 
Les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants peuvent être soumis à deux types d’exposition nécessitant des moyens de surveillance différents : l’exposition externe (la source de rayonnement se situe à l’extérieur de l’organisme) ou l’exposition interne (la source se trouve, après inhalation, ingestion ou pénétration à travers la peau, à l’intérieur de l’organisme). La surveillance de l’exposition externe des travailleurs est réalisée grâce à des dosimètres adaptés aux différents types de rayonnements. Ces dosimètres, dit à lecture différée, permettent de connaître la dose reçue par le corps entier ou par une partie du corps (peau, doigts, cristallin). Pour les personnels de l’aviation civile exposés aux rayonnements cosmiques, le suivi s’effectue à l’aide du système de modélisation numérique de la dose efficace, Sievert PN, dont la gestion est assurée par l’ASNR. Les travailleurs exposés à un risque de contamination interne font en outre l’objet d’un suivi grâce à des examens médicaux appropriés comme des analyses radiotoxicologiques sur les excrétas (urines, selles) ou des analyses anthroporadiométriques (mesures directes de la contamination interne corporelle). L’exposition interne au radon, quant à elle, est surveillée à l’aide de détecteurs spécifiques.
Le bilan réalisé par l’ASNR présente les effectifs des travailleurs concernés par grands domaines d’activité professionnelle, les doses efficaces ou équivalentes individuelles correspondantes et les dépassements des limites annuelles réglementaires de dose. Les activités médicales, dentaires et vétérinaires, l’industrie nucléaire (usines de concentration et d’enrichissement de l’uranium, centrales nucléaires, retraitement, démantèlement, déchets), l’industrie non nucléaire utilisant des sources et la recherche sont concernées. Les travailleurs exposés à des sources naturelles de rayonnements ionisants sur leur lieu de travail (comme par exemple, les personnels navigants ou les travailleurs exposés au radon) sont également inclus.