Rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024
Maintenir un haut niveau d’exigence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection dans un contexte d’accélération des projets nucléaires et d’innovation médicale

L’Autorité souligne qu’en 2024, le niveau de sûreté des installations nucléaires a été satisfaisant. L’année a été marquée par une forte mobilisation sur la réalisation des quatrièmes réexamens périodiques des réacteurs de 900 mégawatts électriques (MWe), la stabilisation du niveau de production de l’usine Melox et les efforts de la filière industrielle pour améliorer la qualité des fabrications. Dans le domaine médical, le niveau de radioprotection est également jugé satisfaisant, malgré des points de vigilance persistants depuis plusieurs années.
L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) a présenté le 22 mai à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), le Rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024. À cette occasion, elle a exprimé ses points d’attention face aux nouvelles ambitions en matière de nucléaire. Elle a également partagé ses appréciations sur les actions de chaque exploitant et par domaine d’activité. Enfin, elle est revenue sur les actualités marquantes de l’année 2024.
Les sujets d’actualité marquants de l’année 2024
Les premiers mois de fonctionnement de l’EPR de Flamanville
Le 7 mai 2024, l’ASN a autorisé la mise en service du réacteur EPR de Flamanville. Il s’agit de la première mise en service d’un réacteur électronucléaire en France depuis celle du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Civaux en 1999. L’EPR est le premier réacteur de troisième génération en France. Sa conception permet une réduction significative de la probabilité de fusion du cœur et des rejets radioactifs en cas d’accident par rapport aux réacteurs de la génération précédente. Malgré les importantes difficultés rencontrées lors du chantier, le réacteur a été mis en service dans de bonnes conditions de sûreté. Toutefois les premiers mois de fonctionnement ont montré qu’EDF doit renforcer la maîtrise des activités d’exploitation.
Les nouveaux réacteurs
L’ASN a été confrontée en 2024 à une forte accélération des sollicitations des porteurs de projet de petits réacteurs modulaires (PRM). Les actions engagées dès 2023 de mise en place de nouveaux cadres d’échanges techniques ont permis de faire face à cette situation inédite et de se préparer à engager efficacement l’instruction des premiers dossiers. Dans ce cadre, certains enjeux deviennent essentiels, notamment pour permettre l’implantation des PRM sur les sites non nucléaires de leurs clients. De nombreuses questions attendent en outre de trouver une réponse, en particulier en matière d’approvisionnement des combustibles neufs, de transport, de gestion des déchets et de prise en charge des combustibles usés. A l’issue de ses échanges avec les porteurs de projets de PRM, l’Autorité constate le caractère souvent peu réaliste des calendriers de déploiement affichés.
La radioprotection au défi des techniques médicales innovantes
Dans un secteur médical en perpétuelle innovation, l’année 2024 aura été marquée par une accélération du développement de techniques médicales innovantes recourant aux rayonnements ionisants.
Cette accélération est particulièrement notable dans le domaine de la radiothérapie interne vectorisée (RIV) où, comme pour le lutétium-177, les essais cliniques se multiplient autour de nouveaux radionucléides d’intérêt tels que l’actinium-225 ou le plomb-212.
Le développement rapide des techniques médicales innovantes, loin du temps long du nucléaire, constitue cependant un défi pour la radioprotection. En effet, la mesure des enjeux de radioprotection, et plus encore l’identification puis la mise en œuvre des moyens nécessaires pour leur maîtrise, reposent sur le développement des connaissances, sur l’acquisition et le partage de données dont certaines ne sont disponibles que sur le moyen terme, sur la mise à disposition d’infrastructures adaptées et sur la mobilisation d’un large réseau d’intervenants et d’acteurs.
Les orientations du cinquième réexamen périodique des réacteurs de 900 MWe
Le 10 décembre 2024, l’ASN a pris position sur les orientations de la phase générique du cinquième réexamen périodique des 32 réacteurs de 900 mégawatts électriques (MWe) exploités par EDF. L’ASNR considère que ce réexamen doit porter prioritairement sur la maîtrise de la conformité et du vieillissement des installations et sur le renforcement de la prise en compte des effets du changement climatique. Il devra permettre de consolider les améliorations importantes apportées aux réacteurs en matière de sûreté lors de leur quatrième réexamen périodique.
Les appréciations de l’Autorité pour 2024
Le contrôle des installations d’EDF
La qualité d’exploitation des centrales nucléaires en fonctionnement s’est maintenue à un niveau satisfaisant en 2024. L’année a été marquée par l’autorisation de mise en service du réacteur EPR de Flamanville délivrée par l’ASN le 7 mai 2024. Cette autorisation a permis à EDF de charger le combustible nucléaire dans la cuve du réacteur et d’engager les essais de démarrage. Concernant les centrales nucléaires en démantèlement et les installations de gestion des déchets, l’ASNR considère que les installations d’EDF sont bien tenues, et que l’exploitant fait preuve d’un bon suivi de ses engagements. L’ASNR estime que les opérations de démantèlement ou préparatoires au démantèlement (OPDEM) des installations, hors réacteurs de la filière « uranium naturel‑graphite‑gaz » (UNGG), progressent à un rythme satisfaisant. S’agissant des réacteurs de la filière des réacteurs nucléaires à l'uranium naturel graphite gaz (UNGG), les échéances d’achèvement des opérations de démantèlement envisagées par EDF restent un sujet de vigilance pour l’ASNR.
Le contrôle des installations d’Orano
L’ASN considère que la dynamique actuelle d’Orano, tant pour améliorer le fonctionnement d’ensemble des installations existantes que pour anticiper les futurs enjeux de l’aval du « cycle », résultant des annonces gouvernementales début 2024 relatives à la stratégie de traitement‑recyclage au‑delà de 2040, est positive.
Le contrôle des installations du CEA
L’ASNR considère que la sûreté des installations exploitées par le CEA reste maîtrisée, mais que les projets de pérennisation des installations en fonctionnement, de démantèlement des installations arrêtées et de RCD (des opérations de reprise et de conditionnement des déchets anciens) présentent toujours des résultats contrastés et restent exposés à des aléas potentiels majeurs. En effet, malgré le renforcement progressif des pratiques de pilotage des projets, la performance de mise en œuvre reste limitée par les moyens disponibles, et par les capacités opérationnelles des prestataires de la filière. Par ailleurs, la réalité opérationnelle des chantiers est presque systématiquement plus complexe que prévu, au point de remettre parfois en cause l’ensemble d’un projet, ou d’en reporter très significativement les échéances. L’ASN estime à cet égard que la maîtrise de ces projets demeure un point de vigilance. Enfin, l’ASN déplore qu’il n’y ait aucune amélioration notable en 2024 pour ce qui concerne l’organisation de la gestion des situations d’urgence, ainsi que la surveillance des intervenants extérieurs.
Le contrôle des installations de l’Andra
L’ASNR note une dynamique positive autour de l’instruction du dossier de demande d’autorisation de création de l’installation de stockage en couche géologique profonde Cigéo, déposé le 16 janvier 2023 par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
Les appréciations concernant le domaine médical
En 2024, le niveau de radioprotection s’est maintenu à un niveau satisfaisant dans le domaine médical, malgré une situation contrastée avec des fragilités persistantes depuis plusieurs années et des points de vigilance qui, font craindre un recul à terme de la culture de radioprotection.
Le contexte reste marqué par des tensions, notamment sur le plan des ressources humaines, et un niveau d’activité croissant. Les signaux faibles évoqués en 2023 se traduisent en 2024, par des constats en inspection ou sont relevés comme facteurs contributifs dans la survenue d’évènements significatifs (ressources amoindries, complexification des organisations, recours à des prestations insuffisamment maitrisées, téléradiologie). L’ASNR alerte l’ensemble des acteurs sur le risque d’une moindre appropriation des enjeux de radioprotection et rappelle la nécessité d’évaluer l’impact, en matière de radioprotection, de tout changement d’organisation.
L’ASNR constate toujours une situation insatisfaisante pour les pratiques interventionnelles radioguidées réalisées au bloc opératoire. Dans ce domaine, où les indications et le nombre de patients concernés augmentent et se diversifient, les actions d’optimisation et la conformité des installations aux règles d’aménagement ainsi que la formation à la radioprotection sont essentielles à la maitrise des enjeux de radioprotection.
En radiothérapie, un retour d’expérience a été entrepris au niveau national, en collaboration avec les sociétés savantes, et partagé avec les professionnels pour éviter la répétition d’évènements de type erreur de cible, ou erreur d’étalonnage Compte tenu des progrès dans la prise en charge des cancers, l’ASNR appelle l’attention des professionnels sur l’augmentation des cas de patients pouvant bénéficier d’un second traitement par radiothérapie et sur les risques de surexposition associés à ces situations.
En médecine nucléaire, certaines situations particulières peuvent poser des difficultés opérationnelles et sont rendues plus fréquentes par le développement de la radiothérapie interne vectorisée (RIV). L’ASNR appelle les professionnels à être extrêmement attentifs à la prévention de telles situations.
Le déploiement des nouvelles techniques et pratiques en thérapie est porteur d’espoir pour les patients, mais constitue un sujet de vigilance afin d’assurer leur intégration rapide et sûre dans le système de soins. L’ASNR rappelle notamment l’importance de maintenir et développer la culture de radioprotection, y compris dans sa dimension opérationnelle.
Elle souligne que les enjeux de radioprotection ne se limitent pas à la réalisation de l’acte, mais débutent dès la phase de conception et s’étendent, le cas échéant, à la gestion des déchets et des effluents.
La réflexion sur l’évolution des filières des déchets radioactifs issus des activités médicales dans le cadre d’un essor de la médecine est, au même titre que pour les autres activités nucléaires, une condition essentielle au développement et à l’acceptabilité de ces applications médicales. C’est un des points que l’ASNR a souligné dans son avis de mars 2025 sur les orientations et enjeux pour le 6ème plan national de gestion des matières et déchets radioactifs pour que soit abordée, au sein des débats préalables, une réflexion spécifique sur les déchets radiologiques provenant des activités médicales.
Les principaux enjeux pour 2025
Dans un contexte où le nucléaire est appelé à conserver durablement un caractère structurant pour le système énergétique français, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) rappelle que pour 2025 :
- l’anticipation est nécessaire pour construire des décisions éclairées par les meilleures connaissances et nourries par une attitude interrogative à l’écoute des signaux faibles ;
- la pérennisation des installations doit viser les meilleurs standards de sûreté, y compris en comparaison aux projets d’installations plus modernes appelées à les remplacer ;
- des marges physiques et temporelles doivent être conservées pour être en mesure de faire face aux aléas sans remettre en cause la sûreté.
La poursuite du fonctionnement du parc électronucléaire reste un sujet majeur.
Une stratégie d’instruction de la poursuite d’exploitation des réacteurs est déployée à l’occasion des quatrièmes et cinquièmes réexamens périodiques et en anticipation d’une éventuelle poursuite d’exploitation au‑delà. Cette stratégie a permis d’industrialiser ces instructions. L’engagement d’études sur la pérennisation et le renouvellement des usines du combustible est un point positif dans le souci de l’équilibre du « cycle ».
En ce qui concerne un éventuel fonctionnement de réacteurs du parc actuel au‑delà de 60 ans, et sur la base des travaux engagés par EDF, l’année 2023 avait permis d’identifier les principaux sujets techniques qui doivent faire l’objet d’analyses particulières, voire de recherches et de développements, en amont des réexamens périodiques. Les conclusions des analyses anticipées d’EDF feront l’objet d’une instruction en vue d’une prise de position de l’ASNR en 2026.
Le défi de la diffusion de la culture de sûreté.
Avec la reprise de la construction de nouveaux réacteurs et de nouvelles usines du combustible, une innovation très active dans le médical ou les petits réacteurs modulaires (PRM), ainsi que des perspectives nouvelles de durée d’exploitation, les acteurs de la sûreté nucléaire et de la radioprotection doivent répondre à de nouveaux défis : acquisition de nouvelles connaissances, diffusion de la culture de sûreté et de radioprotection auprès de tous les acteurs, y compris dans la chaîne de sous‑traitance, mobilisation de moyens et de compétences au service de la sûreté et de la radioprotection, dans un contexte de ressources contraintes et concurrentiel.
S’adapter à ce nouveau contexte : la création de l’ASNR
Créée par la loi relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection du 21 mai 2024, l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) a démarré au 1er janvier 2025. Elle est issue de la réunion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Indépendante des exploitants et du Gouvernement, celle-ci est non seulement dotée d’importants pouvoirs de contrôle mais aussi de fortes capacités d’expertise et de recherche. Ainsi, chaque décision qu’elle prend, contrôle qu’elle effectue, autorisation qu’elle délivre, s’appuie sur des instructions et expertises à l’état de l’art car alimentées par les résultats de la recherche.
La préparation de la création de l’ASNR a nécessité une mobilisation sans précédent des personnels de l’ASN et de l’IRSN et des administrations partenaires pour être prêts au 1er janvier 2025. Désormais, l’ASNR est opérationnelle dans toutes ses missions. Pour autant, les prochains mois permettront de consolider son organisation, d’installer l’ASNR dans son écosystème, et de construire progressivement une stratégie intégrée de recherche, d’expertise, de contrôle, de transparence et de dialogue avec la société.
A consulter dans le Rapport de l’ASNR :
Sûreté nucléaire et radioprotection en 2024 - Audition de l'ASNR
Au titre de l’année 2024, la synthèse des activités de l’IRSN a également été publiée le 22 mai 2025 sur www.irsn.fr.
Contacts presse ASNR
- Evangelia Petit : evangelia.petit@asn.fr ; 01 46 16 41 42
- Pascale Portes : pascale.portes@irsn.fr ; 01 58 35 70 33